Comme je le disais dans l’article précédent, je lis beaucoup. Beaucoup!
Et présentement je lis pour le plaisir le huitième tome de la série The Expanse qui arrive à sa fin (snif! je devrai attendre la sortie du tome 9 pour avoir la conclusion des aventures interstellaires de James Holden, de Naomi Nagata et de toute la joyeuse bande du Rossinante !) Ça c’est pour moi du pur plaisir.
Pour l’université (et aussi pour le plaisir, quoique ça demande un peu plus d’entrain à mon hamster cérébral), je lis The Wounded Storyteller (Qu’on peut traduite par Le conteur/La conteuse blessée) du professeur de sociologie Arthur W. Frank. Dans ce livre, le professeur Frank parle, entre autres choses, de trois différents types de narration de la maladie the restitution narrative, the chaos narrative et the quest narrative (qu’on pourrait traduire par récit de rétablissement, récit du chaos et récit de la quête). Et évidemment cette lecture me demande de me positionner par rapport à mon propre « style » de récit. Qu’est-ce que je raconte de la maladie?
Évidemment, pour une même narratrice ou raconteuse, les trois type de récits vont se croiser; mais une des proposition va tout de même prendre l’avant plan de ce qu’on raconte. J’ai vite vu que, pour ma part, le récit de rétablissement n’est pas très présent. Je suis trop consciente de mon diagnostic pour raconter ou imaginer ce que je ferai « après » la maladie. Je sais que, à moins d’un miracle de la médecine moderne ou holistique, la maladie que j’ai est incurable (ceci dit, ça ne veut pas dire que je ne vivrai pas encore longtemps!).
Je vois aussi que malgré le fait que ma vie pourrait être un enfer, elle ne l’est pas. Bien au contraire, en fait. Aussi, je ne raconte pas le chaos. Par contre, ma lecture de ce chapitre m’a amenée à me questionner sur mon rapport au chaos que j’ai vécu. Parce que si je ne le vis pas présentement, il a été bien présent dans les jours et les semaines qui ont suivi mon diagnostic. Mais c’est comme si cet épisode de ma vie et de la maladie avait pris l’arrière plan derrière la routine des traitements et des petits effets secondaires, de la vie de tous les jours: rigoler avec Chéri, lire de bons livres, flatter la chatte. Mais le chaos il a bien été là, et on dirait que la dernière semaine de pause obligée sans internet, lisant ce chapitre, m’a ramenée à ce moment.
Je me souviens d’une semaine où en cinq jours nous avons eu six rendez-vous dont deux à Montréal au CHUM – nous habitons à 75 km de Montréal, et un à Belœil, en plein mois de décembre, alors que j’avais perdu à peu près 15 livres en un mois.
Je me souviens de ma peur des piqûres (permettez-moi de rire un coup ici!), que Chéri, qui m’accompagne depuis le début à tous mes rendez-vous médicaux, me tenait la main que l’aiguille soit celle d’une prise de sang ou de l’installation d’un cathéter.
Je repense à ce chaos, surtout celui des rendez-vous, et j’y vois de la violence institutionnelle. Je comprends que ma situation était urgente, mais malgré tout, je suis sûre que tous ces rendez-vous auraient pu s’étendre sur deux semaines, ou se condenser (deux fois au CHUM dans la même semaine?) Comme ce n’est pas ce qui retient mon attention pour ma recherche de maîtrise, je tente de ne pas trop m’y attarder, mais je pense, je me doute que ce thème va réapparaître dans ma suite des choses!
Je n’ai pas encore lu le chapitre sur le récit de la quête (je me suis laissée prendre par la science-fiction!), mais je crois bien que c’est ce qui va le mieux représenter mon type de récit. Ce que je raconte ici à l’écrit, ou de façon verbale quand j’en discute avec l’équipe médicale ou mon entourage, et ce qui se retrouvera dans mon mémoire d’ici quelques semaines, quelques mois.
4 réponses à “Narrer”
Le livre du professeur de sociologie semble vraiment intéressant! J’ai hâte que tu m’en parles…Je me demande si le chaos ne favorise pas aussi la quête et si le rétablissement ne se situe pas quelque part entre toutes et grâce à ces phases…il y a probablement aussi plusieurs niveaux de rétablissement: physiologique, psychologique, spirituel.
En fait, c’est vraiment sur choix de ce qui sera (ou est) raconté que Frank se base pour faire ses catégories. Le rétablissement est celui de la maladie, le chaos également. Et dans les exemple qu’il donne du chaos sont assez perturbant pour ne pas réussir à en voir le bout ou espérer même une quête (genre une femme qui souffre d’un cancer, qui a deux enfants et qui prend soin de sa mère qui a la maladie d’Alzheimer. J’ai hâte qu’on en jase 🙂
Tout un chaos, l’hiver et à 75km de Montréal. Vive l’apaisement du printemps!
Par chance c’était y’a deux ans et demi, y’a déjà longtemps! Mais ce n’est pas un souvenir joyeux…